RSS
A
A
A
FR
Vrai / Faux
La foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit ...
Le chiffre
38%
38% des consommateurs à revenu modeste rencontrent plus souvent que les autres...
Une histoire
Le café : relancer la consommation dans l'établissement
Les changements dans les modes de consommation entraînent la...
Epinglé
Des jouets
Le marché du jouet de fin d'année repose sur la tradition d'offrir des jouets,...
Astuce
Suggérer au consommateur qu’il est libre d’accepter ou de refuser augmente...

Histoire

Le marketing de réseau et les ventes pyramidales

15/08/2012
La Molignée, novembre 2004. Jean-Luc Dumber, employé participe à un séminaire d'information payant organisé par un opérateur alternatif de téléphonie en vue de lui présenter le concept de Green Tears Phone.

Quelques semaines plus tôt, une personne lui avait proposé de bénéficier d'une ristourne sur ses communications téléphoniques. Il lui suffisait, disait-elle, de choisir le montant de ristourne désiré et, par nouveau consommateur qui souscrira aux services de Green Tears Phone, il recevra une réduction sur sa facture de 2% des montants payés par le souscripteur. Cette réduction sur le montant total de sa facture pourra atteindre 100%. S'il obtient plus, il pourra même intégrer de nouvelles dépenses (liées à un numéro fixe ou à un GSM, des dépenses d'électricité, de gaz ou de télédistribution).

Evidemment, l'idéal est de devenir conseiller de Green Tears Phone. Cela ne rapporte-t-il pas plus? Une condition préalable: suivre un séminaire. Voilà la raison pour laquelle Jean Luc Dumber, après avoir participé à une soirée d'information et payé un droit d'inscription de 150 euro, se retrouve dans cet hôtel agréable.

Tout de suite, Jean Luc Dumber est invité au son d'une musique tonitruante (I Feel Good de James Brown) à s'installer dans la salle de séminaire et voit son parrain, la personne qui lui avait proposé la bonne affaire, s'installer à ses côtés. Pas question de l'abandonner. Son parrain se chargera ainsi de répondre à toutes ses questions et de vérifier que Jean Luc est attentif.

Un conseiller-animateur prend la parole, souhaite la bienvenue et explique qu'il est fatigué. Il propose de faire un petit exercice à tous les participants: étirer les paupières, étirer les bras, les rapprocher, étirer les bras, les rapprocher, de plus en plus vite pour transformer le mouvement en applaudissements. Jean Luc se sent émerveillé. Pas de doute, il est au milieu d'un cercle de gens sympathiques et dynamiques.

Vient ensuite le programme du séminaire d'une journée. Tout à tour, différents conseillers animateurs présentent - très rapidement - la société Green Tears Phone, les produits, les tarifs, l'organisation administrative - en fait, comment remplir un contrat - et commerciale.

Bien sûr des imprécisions et des erreurs manifestes sont citées par les conseillers animateurs souvent peu habitués à s'exprimer en public et paniqués au moment de leur présentation. Mais Jean Luc Dumber n'y prête guère attention, pas plus qu'aux pauses fréquentes et longues qui ponctuent le séminaire. Malgré tout, la fatigue s'installe et le directeur marketing intervient.

Il interroge l'assemblée: Est-ce que tout va bien? La réponse nuancée de l'assemblée le conduit à prendre les documents et à les frapper violemment sur la table tout en répétant la question. Jean Luc Dumber est étonné et apeuré! Pourquoi tant de violence? Est-ce que tout va bien? Cette fois, un oui massif répond. Il précise: Je n'ai pas dormi de la nuit à cause de vous! (silence) Vous avez hanté ma nuit! (Silence) Je n'ai pas dormi de la nuit pour vous! (Soupir de soulagement de l'assemblée) Est-ce que tout va bien? Ouf, se dit Jean Luc Dumber, ce n'était qu'un jeu! L'assemblée répond à nouveau positivement et le discours commercial continue par une présentation (rapide) du concept.

Le directeur marketing précise que chaque conseiller doit demander à son client de remplir une liste avec des références. Au départ des noms repris sur le listing contacts, celui-ci précise que l'important c'est de dire au client qu'il va faire des économies. L'important ce n'est pas de produire un tarif mais de donner des références... Un client va amener 5 clients et chez chacun de ces 5 clients, on va faire la même chose... Il ne faut pas aller chercher le client, il suffit de présenter le concept pour qu'il y adhère.... D'ailleurs le questionnaire d'enquête "Vous et la télécom" ne doit pas être présenté avant la convention de souscription au client... Il sert à aborder un inconnu... Une petite enquête ça ne mange pas de pain et cela fait plaisir. Surtout si c'est un ami qui le demande... D'autant que le formulaire tel qu'il est présenté, permet d'amener le client où on veut l'amener (à souscrire au service).

Pour le convaincre, faites le test suivant: demandez 2 euros à votre voisin, il refuse souvent! Demandez 50 euros il refuse toujours! Et bien, déclarez lui qu'avec Green Tears Phone c'est possible! Juste une petite signature pour bénéficier de tous les avantages de Green Tears Phone. En plus le client devient votre ami car vous lui faites gagner de l'argent!

Plus on a de clients, plus on a de revenus. Même lorsqu'on est en vacances, on touche une ristourne sur les consommations du client. On peut même faire une provision pour sa pension! Ainsi, on constitue une épargne tandis que les clients obtiennent des remises qu'ils pourront consommer plus tard. De cette façon, le concept de l'opérateur téléphonique "Téléphoner gratuitement, c'est possible" se réalise!

>Pour convaincre le client, c'est simple! Demandez au client combien il veut de remise sur sa facture de téléphone. Pour cela, vous devez lui expliquer que les campagnes de publicité coûtent cher et qu'il est possible de bénéficier d'une remise. Prenez des exemples de la vie courante (restaurant, film...) et expliquez ce qu'ils peuvent retirer de ce concept "Téléphoner gratuitement, c'est possible" en utilisant le chiffre de leur facture. Ainsi, les assurances fédérales adoptent le même concept que Green Tears Phone en ristournant une partie des primes aux assurés, dans un restaurant, on offre l'apéritif gratuit, chez Green Tears Phone on ristourne le coût de la publicité qu'on ne fait pas. Prenez la facture Belgacom du client et déduisez-en 6 % en proposant au consommateur d'inviter 5 personnes chez lui et en lui disant que si ces personnes adhèrent au concept, lui-même recevra une ristourne de 5 x 2 %.

Notre éducation judéo-chrétienne nous a appris à nous méfier des inconnus. Moi je vous le dis (!): il suffit de parler aux inconnus pour avoir du succès: c'est cela le marketing multi-level. Refusez ce que vous avez appris dans votre enfance et agissez!

La pseudo-formation se termine par un drink de clôture. Jean Luc Dumber ne souscrira pas au concept.

La société n'est pas un opérateur de téléphonie mais un intermédiaire, c'est-à-dire un vendeur qui place les produits et services d'une autre société auprès des consommateurs. Les techniques utilisées visent à rassurer le candidat conseiller que la vente est facile et que le consommateur est une source de revenus qu'il convient d'exploiter.

Le vendeur va bien gagner sa vie. Et facilement. Le concept "Téléphoner gratuitement, c'est possible" est une idée qui va permettre à un conseiller-vendeur de bien gagner sa vie et d'assurer la pérennité de ses revenus. Le principe, simple, repose sur la technique du bouche à oreilles et les référencements. Cerise sur le gâteau, le concept est présenté non comme une vente pyramidale mais comme du "marketing de réseau". Pour éviter que le client ne dise que c'est une pyramide, qu'il connaît, on a réfléchi: il suffit de faire un dessin qui visualise différemment le concept et le conseiller élude ainsi la question de la pyramide !


 Vente en pyramide
Vente en marketing de réseau
   

 

 

Des conseils sont même donnés aux conseillers.

Ainsi, sur le schéma, le client est toujours symbolisé par quelqu'un qui fait un grand sourire, de même pour les personnes qui vont bénéficier du concept. A chaque niveau, le conseiller-vendeur reçoit 2 % de remise sur le montant de la facture du client qu'il a référencé. Au premier niveau, il reçoit 2 % x 5, au deuxième niveau, 2 % x 25, au troisième niveau, 2 % x 125, soit au total 310 %. Comme la société ne peut lui faire plus de remise que 100 %, les 210 % restant sont mis en réserve. La commission des conseillers est soi-disant garantie par la satisfaction du client car dès que sa facture diminue, celui-ci, content, va utiliser plus son téléphone. De ce fait, le conseiller aura une augmentation de sa commission. En plus, le client va faire un travail de prospection et apporter de nouveaux clients! A chaque fois, le l'intermédiaire reçoit une commission et plus les clients apportés consomment, plus l'intermédiaire voit sa commission augmenter.

Pour contacter un client par téléphone, il s'agit de l'intéresser. Pour prendre rendez-vous, il ne faut jamais parler des produits mais dire qu'on téléphone de la part de... (prénom du consommateur qui est client de l'opérateur) à... (prénom du nom référencé sur la liste). Exemple: Bonjour c'est Jean-Luc, je téléphone de la part d'Isabelle, c'est pour savoir quand je peux passer... Comme cela, le client a déjà donné le rendez-vous avant de chercher dans sa mémoire à quel Jean-Luc ou à quel Isabelle, il a à faire. Ou encore, je dois vous parler pour vous proposer quelque chose de super, Isabelle m'a demandé de vous en parler... C'est pour vous faire gagner des sous... Ou encore, pour éviter une réponse négative, il est conseillé de proposer au client: "Un rendez-vous le mardi ou mercredi. Cela vous convient-il?"

Autre technique de vente: la vente en réunion. Il s'agit pour un client de réunir plusieurs clients potentiels chez lui pour faire une démonstration (de préférence le jour où il n'y a pas un match à la TV). La réunion est un véritable accélérateur de production. De plus, le client qui a invité va bénéficier tout de suite de ses réductions. Pour le convaincre d'organiser une réunion, il suffit d'attendre la fin de l'entretien et de lui demander quand il veut ses réductions. En janvier? En février ou tout de suite. Dans ce cas, il suffit d'organiser une réunion (vendredi prochain, vous invitez X personnes de votre entourage). Proposez-lui de bénéficier des plus fortes remises en matière de télécommunication.

En fin de compte, cette formation proposée est "bidon" et sert avant tout d'outil de recrutement.

Le consommateur est un pigeon. L'abus de confiance est proche lorsque le conseiller va proposer au consommateur de répondre à un questionnaire qui le conduira où le vendeur veut le mener, c'est-à-dire à souscrire. Cette technique d'appât ou d'amorçage consiste à amener le consommateur à prendre la décision de souscription en lui faisant miroiter des avantages fictifs ou en cachant certains inconvénients (le coût du contrat). Elle part du principe que le consommateur, dès le moment où il a pris sa décision, ne la remettra pas en question, même lorsqu'il connaîtra son coût réel car c'est lui qui aura pris la décision initiale. Le questionnaire "Vous et la télécom" conduit le consommateur vers une demande à priori impossible pour lui: une réduction de 100 % de ses factures. Si le vendeur avait annoncé dès le début cette possibilité, le consommateur aurait refusé. Comme cela vient du consommateur qui tout au long de l'enquête se trouve piégé par la persévérance de ses décisions, il ne peut que souscrire.

De plus, la technique va jusqu'à culpabiliser le consommateur. Comme le montant de la réduction offerte peut non seulement aller jusque 100 % de remise mais que c'est le consommateur qui en fonction de ses efforts va déterminer sa réduction, s'il n'atteint pas la réduction totale, c'est de sa faute. S'il ne donne pas des noms de référence, c'est de sa faute. Il devient le dindon de la farce.

Le contrat d'abonnement prévoit aussi que le consommateur doit s'abonner pour une période minimale. Ce qui constitue un droit d'entrée dans le système et va conduire le consommateur à devoir payer un dédit important en cas d'annulation.

Le concept développé par cette société de service ressemble à s'y méprendre à de la vente en chaîne qui est illégale. Celui qui participe en tant que consommateur risque condamnations et amendes diverses. D'autant que l'importance de la ristourne accordée peut conclure à l'assimiler à une rémunération déguisée et conduire au paiement de cotisations sociales et d'impôt. Quelques éléments permettent d'identifier une vente pyramidale: les revenus proposés sont générés exclusivement par le recrutement de nouveaux membres dans la pyramide, une méthode de richesse instantanée est proposée, aucun programme de formation sérieux n'est organisé ou alors les coûts sont très élevés, les produits circulent lentement et sont souvent de piètre qualité, les prix sont prohibitifs, le consommateur doit payer un droit d'entrée dans le système.

Le système proposé est aussi une vente en boule de neige car le consommateur bénéficie d'une diminution du coût de ses communications et de primes suivant l'augmentation de la consommation de ses "clients". C'est une vente en chaîne car l'objectif déguisé est le développement d'un réseau.

En conclusion, le marketing de réseau ou multi-level marketing n'est qu'une dénomination actualisée de la vente pyramidale.

 

 

Duplicate entry '0' for key 'PRIMARY'