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Marketing Gay : entre profit et reconnaissance
Les exemples de marketing gay se multiplient en Belgique Début 2002, Moving Target et B&B.com Consultants pré nient de lancer Gay Agency, une agence de pub et de coin munication axée sur le segment homosexuel. Par ailleurs, depuis près d'un an, des marques comme Canon, Illy, Mobistar, Smirnoff et autres Corona passent des annonces dans le magazine life style bilingue GUS (qui vient d'organiser une conférence sur le marketing gay). Autre exemple : l'an dernier, un spot télévisé de P&V montrant - notamment - un couple gay pour vanter le services de la compagnie, signalait simplement Nous assurons la vie comme elle est.
Le marketing gay connaît ses plus grands succès aux Etats Unis, dans les pays nordiques, au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, en France et aux Pays-Bas : autant de pays où il se développe à côté du générationnel ou de l'ethnique, par exemple.
Quels produits ?
Selon les produits, il y a plusieurs manières de faire du marketing de segmentation. C'est également le cas dans le secteur gay. Les produits typiquement gays - guides, presse, bars et discothèques, agences de voyage, vidéos pornos, préservatifs, sauna etc. - sont relativement peu importants en nombre, et proposé par de petites ou moyennes entreprises dans des supports de la vie associative comme Tels Quels, Regard, Zizo ou Uitkomst, et lors d'événements organisés par la communauté homosexuelle, comme la gay pride, par exemple.
Mais les produits et services de consommation courante peu vent eux aussi faire l'objet d'un marketing gay : en publiant un annonce courante dans un support gay, en l'adaptant explicitement ou en communiquant avec un contenu gay - codé ou non - dans les médias courants. Si, dans les deux premiers cas, on s'adresse uniquement aux gays ; dans le troisième, on élargit la cible au public sensible à l'ouverture et à la tolérance, quelles que soient ses préférences sexuelles. Avec le risque, parfois, de se mettre à dos ceux qui éprouvent peu de sympathie pour la communauté en question...
Est-ce rentable ?
La communauté homosexuelle comprend autant de modes de vie, d'objectifs et d échelles de revenus que la population hétérosexuelle.
Des chiffres clairs sur la représentativité - selon les enquêtes, on parle de 1,5 % (Facultés Saint-Louis 1993) à 11 % de la population (Hite 1976-81) -, et des données fiables sur le profil (formation, pouvoir d'achat, forme de vie, etc.) des homosexuels et lesbiennes belges se révèlent inexistants ou incomplets. Difficile donc, de prévoir la rentabilité financière d'un marketing gay pour les pourvoyeurs de produits et services courants ou gays.
Au-delà des caricatures, la communauté homosexuelle comprend évidemment autant de modes de vie, d'objectifs et d'échelles de revenus que la population hétérosexuelle. Sans parler du fait qu'à l'exception d'une préférence pour le même sexe, homosexuels hommes et femmes sont aussi différents les uns des autres, que les hommes et les femmes hétérosexuels.
Tout est relatif jusque dans les clichés. Tous les homosexuels ne sont pas coiffeurs ou danseurs de ballet, et toutes les lesbiennes ne sont pas camionneuses. Le double revenu ? Tous les homosexuels et lesbiennes ne vivent pas en couple ! Pas d'enfants à charge ? Nombre de lesbiennes en ont ! Victimes de la mode et adeptes de la nouveauté ? Si une imagerie homosexuelle véhicule effectivement cette vérité partielle, le lien direct entre préférence sexuelle minoritaire et comportement d'achat effréné ne s'explique pas avec pertinence.
Alors pourquoi certaines entreprises s'engagent-elles néanmoins dans la voie du marketing gay dans notre pays ? Droit à l'égalité, avantage du précurseur, tarifs intéressants dans les supports gays, s'attirer la sympathie ou la fidélisation d'une partie de population : dans les milieux de consommation urbains tout au moins, l'évolution des mentalités semble induire plus d'avantages que de risques pour les marques pratiquant un marketing gay.
Qu'en pensent-ils ?
Faute de pouvoir sonder ce qu'en pense la population dans son ensemble, et la population gay dans ses particularités, les avis de sociologues et psychologues, de la presse gay et des associations homosexuelles, ainsi que des professionnels du marketing et de la publicité, proposent ici quelques réflexions.
Tous les homosexuels ne sont pas coiffeurs ou danseurs de ballet, et toutes les lesbiennes ne sont pas camionneuses
François Delor, sociologue et psychanalyste, directeur de l'observatoire du sida et des sexualités aux facultés universitaires Saint-louis.
«Il existe des références, des points de repère dans la communauté gay, mais cela ne veut pas dire que tous les gays s'en revendiquent. Une identité gay stable est une fiction, parce qu'on peut vivre à l'écart, tout en s'y référant dans un rapport proximité/distance. Les références sont construites par des leaders communautaires qui fabriquent des drapeaux repris par des logiques de marché, de désignation sociale, etc. Mais il est clair que, de pathologique, l'homosexualité est, dans certains cas, devenue respectable, voire héroïque. Elle est ainsi devenue un marché à prendre, surtout quand il s'agit de l'homosexuel masculin, plus riche, bien dans sa peau, qui s'assume, qui fait du sport : bref, le modèle nord-américain qui va bien. Mais ça reste une fiction, avec à la clé une connivence communautaire idéalisée, construite politiquement et économiquement : ce gay-là ne dérange pas. Au contraire, il intéresse. Le commercial est donc à la fois dans l'erreur et il ne l'est pas. Car la bonne dame qui fait de la pub pour une poudre à lessiver ne correspond pas, elle non plus, à toutes les clientes potentielles. Mais, comme elle est issue de la communauté des femmes, elle est construite comme un idéal féminin qui va produire une identification. Un stéréotype gay est donc lui aussi, rassurant pour le modèle communautaire : sportif et assumé, il représente une clé du succès. Le marché n'est pas un diable pour autant, parce qu'il est de connivence avec certains leaders de la communauté gay qui produisent justement de l'identité sur le mode du marché. Le marketing gay n'est d'ailleurs possible qu'avec la complicité des gays consultés.Faisant partie d'un marketing de segmentation, le marketing gay exclut aussi. Les homosexuels dominent les lesbiennes tant sur le plan des ressources que du pouvoir, le profil de certains gays s'écarte du pedigree requis pour entrer dans une niche donnée, et puis il y a les non-gays : des réfugiés politiques, des noirs, des petits vieux etc. Ils n'ont pas droit à leur niche parce qu'ils ne sont pas intéressants pécuniairement. La reconnaissance d'une minorité sur le plan marketing peut donc mettre en évidence l'exclusion d'une telle autre, moins rentable. Mais le marché a compris aujourd'hui que l'homosexuel qui s'assume est fier et est en général un bon consommateur. Parce que pour s'assumer et être fier, il faut des ressources. Non seulement morales, mais financières.»
John Vinck, professeur à la faculté des sciences politiques et sociales de l'Université de Gand.
« L'échelle d’accessibilité est très réduite en Belgique pour y opérer avec les instruments du marketing gay. Chez nous, l'opération ne semble rentable que si les frais d'investissement sont réduits. Car si on applique à la Belgique des résultats d'enquêtes sérieuses effectuées en France et aux Etats-Unis, selon lesquelles on n'aurait que 4 % d'homosexuels chez les hommes, et 2 % chez les femmes, la cible paraît peu intéressante, d'autant plus qu'en Belgique, outre les catégories d'âge rentables et la répartition par sexe, s'ajoute la question des langues. Sur une population de 10 millions en Belgique, la communauté gay intéressante pour un marketing spécifique est dès lors très réduite. On aboutirait approximativement à 64000 hommes gays en Flandre : un stade de football bien rempli, rien de plus. Il est certain cependant, que si l'homosexualité était mieux acceptée, le pourcentage de ceux qui s'avouent homosexuels augmenterait. »
Anke Hintjes et Dimitri Vanderhaeghen, Fédération des Associations Homosexuelles Flamandes (fwh).
«La vie associative elle-même adopte des méthodes marketing, forcément gay, notamment à travers le lobby auprès des pouvoirs publics, mais aussi dans le privé. C'est ainsi que le mot Holebi, créé il y a quelques années à peine par une partie de la communauté homosexuelle flamande pour désigner à la fois les homosexuels, lesbiennes et bisexuels, est paru pour la première fois dans le dictionnaire néerlandais Van Daele, sous la pression de notre organisation.»
François Sant'angelo, Fédération Des Associations Gays Et Lesbiennes (FAGL).
« La présence progressive des homosexuels dans la publicité ne veut pas dire qu'ils fassent partie du décor : on rencontre encore beaucoup de réticences et d'homophobie, et certaines entreprises pensent que le marketing gay peut être contre-productif. Les médias de la vie associative gay ne récoltent que peu de publicités de la part des grandes marques qui redoutent parfois de voir leur annonce côtoyer celle d'un sauna, de vidéos pornos ou de discothèques. Mais d'autre part, ces supports sont les seuls où de petits annonceurs de produits homosexuels peuvent se présenter.»
Sylvie Antonio Bonsangue, Genres D'à Côté/Regard.
«Tout ce qui est gay intéresse les gays. Si vous affichez gay, les gays vont se sentir concernés. C'est aussi simple que ça. Mais il faut bien reconnaître que le marketing gay s'adresse plus aux hommes qu'aux femmes. La logique patriarcale a fait en sorte que les femmes ont plus de mal à s'afficher au niveau commercial et social. Elles ont peur de l'agressivité verbale et physique, même dans les supports homosexuels. Par ailleurs, en général, l'homme homosexuel est davantage axé sur la consommation que la femme homosexuelle : tant sur le plan sexuel que sur celui des produits et services. La femme lesbienne n'a pas un comportement de consommatrice spécifique, parce qu'il y a moins de repères et moins d'identification à une communauté homosexuelle féminine. Mais il reste que, si le commercial estime que nous sommes une cible intéressante, cela peut nous aider à nous afficher.»
Ivo Moelans, Uitkomst.
«Puisque pratiquement tous les produits sont bons et compétitifs aujourd'hui, on peut leur attribuer une plus-value à travers l'image, et notamment en ciblant gay. Comme les DINC (Double Income, No Child) américains, une tranche importante de nos lecteurs entre 25 et 45 ans appartient à la catégorie des cadres moyens, selon une enquête maison. Ce n'est pas pour rien qu'aux Etats-Unis, il existe un site financier spécial pour gays (gfn.com). Contrairement à une revue pour amateurs de chiens par exemple, la presse homosexuelle comporte un élément émotionnel important. Si la communauté gay se rend compte que telle entreprise soutient son secteur et ses intérêts, elle achètera aussi son produit. Les gays sont toujours plus conscients de la discrimination dont ils font l'objet, mais aussi de leur pouvoir d'achat. Ils achèteront donc en fonction de qui s'adresse spécifiquement à eux.»
Frédérick Boutry Et Thierry Vandebroek, Gus.
« Les gays deviennent une cible intéressante parce que le marketing vise davantage le qualitatif que le quantitatif. Il est évident que les annonceurs généraux ne vont pas annoncer dans des magazines axés surtout sur le sexe. Mais dès que les gays parlent de qualité de vie, de lifestyle, de pouvoir d'achat, etc., les choses évoluent. Le gay est de plus en plus intégré dans la société et le marketing s'y intéresse, ce qui entraîne une plus grande ouverture des gays eux-mêmes, avec des manifestations accessibles à tous comme des festivals, conférences, etc., et donc une plus grande visibilité. Les gays deviennent du même coup moins typés ou clichés. Même s'ils lancent des tendances qui sont suivies par les hétéros, ce qui est intéressant pour le marketing. Les gays ont par exemple commencé à sortir en jean avec des bottines Caterpillar, et les hétéros n'ont pas tardé à suivre...Le marketing gay favorise l'intégration de l'homosexualité dans la société, d'une manière autre que la vie associative. Avec un magazine comme le nôtre, on occupe une fonction complémentaire aussi importante que celle des associations. On travaille d'après un autre angle, on va montrer le côté plus esthétique de la vie, moins politisé, pas du tout sexualisé, avec des articles musique, cinéma, mode, voyage, communication, technologie, etc. qui permettent au lecteur de se sentir bien dans sa peau, même s'il laisse traîner son magazine devant ses parents ou ses copains. Tout le monde n'est pas un sexe ambulant ou un panneau de revendication. Certains veulent simplement être fiers de qui ils sont et du clan auquel ils appartiennent, sans l'avoir voulu vraiment. »
Une première
Le magazine GUS a organisé le 12 octobre dernier, avec Media Marketing, une première conférence à l'auditoire Fortis à Bruxelles, sur le thème du marketing gay. Les professionnels provenant du Royaume-Uni, des Etats-Unis, d'Allemagne et de Belgique, mettant en garde contre les abus du recours aux clichés, n'en étaient pas moins tous favorables au marketing gay.
Selon les orateurs, les gays voyagent plus, adoptent plus de nouveautés, s'intéressent au haut de gamme, mais boycottent aussi les entreprises qui se montrent homophobes. Les marques doivent donc prendre garde à ne pas assumer que leurs produits sont systématiquement non discriminatoires. Par ailleurs, après le marketing de segmentation, la cible unique étant devenue un dinosaure, tel intervenant estimait que via l'Internet notamment, on évoluera encore : vers le marketing personnalisé et sur mesure.
Sur le plan pratique, il est apparu lors de la conférence, que le marketing gay pouvait être important à plusieurs égards pour une entreprise : l'avantage d'être précurseur de tendance, aucune perte du marché potentiel si le message n'est pas sexiste, visibilité accrue dans le monde gay (le nombre de participants aux gay prides a par exemple doublé en moins de dix ans, tandis que le nombre de badauds triplait), et, last but not least, l'esprit d'ouverture comme brand attitude.
Analyse : Vanmaercke S., Trends 1er novembre 2000