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Histoire
Vercingétorix vous écrit
Impossible répondrez-vous ? Que nenni ! C'est la proposition que Michel Chasles, Professeur à l'Ecole Polytechnique, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie de Bruxelles a reçu en cette année 1862 de la part d'un certain Vrain-Lucas. Et il a reçu des milliers de lettres écrites en ancien français par ces personnages émérites. Des lettres comprenant des véritables scoops qu'aucun journaliste d'aujourd'hui n'aurait renié.
Des exemples ? Cléopâtre annonçait à César que son fils Césarion allait voyager en France pour profiter du bon air. Alexandre le Grand écrivait à Aristote qu'il allait voyager en Gaule pour apprendre la société des Druides dont Pythagore lui faisait l'éloge. Charles Martel défiait le chef des Sarrazins avant la bataille de Poitiers.
Christophe Colomb décrivait à Rabelais ce qu'il avait en Amérique. Une lettre de Lazare à Saint Pierre, expédiée de Marseille juste après sa résurrection. Une lettre de Judas demandant pardon pour sa trahison. Et bien d'autres encore. Et il y a cru jusqu'au moment où un procès le 24 février 1870 a établi l'escroquerie. Tout cela était faux. Il est vrai que certaines lettres réécrivaient l'histoire de manière assez cocasse. Ainsi Blaise Pascal écrivait à Newton en lui expliquant les principes de la gravitation universelle ou encore Galilée décrivait en 1641 à Pascal l'existence des anneaux de Saturne (découverts par le Hollandais Huygens 15 ans plus tard).
Et la bonne volonté de la victime ne pouvait être mise en cause. N'a-t-il pas fait profiter de nombreuses académies et collègues étrangers de ces découvertes ? C'est d'ailleurs cette diffusion qui a suscité un tollé dans le monde scientifique et est à l'origine du procès.
D'emblée lors du procès, l'accusé a reconnu qu'il avait vendu 27.345 faux à l'académicien pour une somme totale de 150.000 francs. Incroyable, comment une personnalité connue et respectée a-t-elle pu se faire escroquer de la sorte ? Comment pouvait-elle croire qu'Archimède, Attila ou Cléopâtre s'exprimaient en ancien français ?
Le témoignage de la victime est éloquent. "Nous étions du même pays (!)". Le président l'interroge alors sur la langue utilisée. "Comme les copies des lettres provenaient de l'abbaye de Tours, les moines disposaient de correspondants dans de nombreux pays, ces derniers leur apportaient les originaux". Toutefois, on peut s'interroger sur le contenu épistolaire et sur le fait qu'un personnage comme Attila sache écrire !
Et le verdict est d'autant plus étonnant : 2 ans de prison et 500 francs d'amende. Il est vrai que le contexte historique à la veille de la guerre franco-prussienne a permis de comprendre la clémence du tribunal pour un patriotisme de si bon aloi.
Qui n'a pas rêvé de détenir un secret, un document unique et exceptionnel. Le besoin de rêver conjugué à un sentiment patriotique fort renforce l'intérêt pour un escroc sympathique. Mais le plus étonnant, c'est que notre académicien n'a jamais été réellement convaincu du fait qu'il avait été escroqué et a légué à la Bibliothèque Nationale en France, les faux qu'il avait achetés à prix d'or.