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Red Bull ne donne pas des ailes : une publicité mensongère
Aux États-Unis, la marque Red Bull a accepté de payer 13 millions de dollars afin d’éviter une action collective (« class action ») de consommateurs américains pour publicité mensongère.
Bien sûr, Red Bull ne donne pas des ailes mais ce que les consommateurs américains reprochent n'est rien moins que la communication de la marque que estime que son produit est supérieur à d'autres.
Une boisson aux allégations douteuses et ... non fondées scientifiquement ?
Déjà le 14 juin 2006, le CRIOC publiait avec Univers santé, Équipe santé du Service d'aide aux Etudiants de l'UCL, Infor-drogues, MJT Espace jeunes, Education santé, Question santé et Jeunesse et santé, un communiqué de presse mettant en garde les consommateurs vis-à-vis d'une campagne de la marque Red Bull. Ce communiqué intitulé Il n'y a pas d'intelligence en cannette, quoi qu'en dise Red Bull ! incriminait la campagne de cette marque. De son côté Univers-santé publiait une analyse sur les boissons énergisantes qui s'interrogeait, entre autres, sur les pratiques commerciales agressives de Red Bull.
Quelques jours plus tard, le CRIOC déposait plainte auprès des autorités en attirant l'attention sur les allégations de cette même société. Les auteurs, Marc Vandercammen et Rob Renaerts s'interrogeaient sur les allégations de la marque qui stimulerait ainsi le corps et l'esprit et d'après celle-ci, cette affirmation serait prouvée scientifiquement par une série d'études internationales.
Des études très limitées
Le nombre de ces études est très limité. De plus, ces études ont été réalisées avec de très petits échantillons de personnes et souvent en bonne santé. Or la taille d'un échantillon détermine la marge d'erreur, et sa nature empêche toute Extrapolation à l'ensemble de la population.
ÉTUDE 1 : MESURE DE L'ACTIVITÉ ÉLECTRIQUE DU CERVEAU
La première étude menée sur 10 personnes cobayes a montré que l’amplitude des potentiels évoqués (mesure de l’activité électrique du cerveau) était significativement plus élevée chez les personnes qui avaient bu du Red Bull (p<0.001, paired samples t-test) lorsqu'on leur demandait de participer à des tests psychologiques. A noter que Les documents fournis par Red Bull ne précisent pas la nature des tests pratiqués. Les auteurs de cette étude déduisent de ces résultats que Red Bull augmente le bien-être en mettant à contribution la théorie "Basler Befindlichkeit". Cette théorie est inconnue dans le monde scientifique, un seul article à ce sujet a pu être trouvé dans la Pubmed database3. Il convient donc de considérer cette étude avec circonspection.
ÉTUDE 2 : MESURE DE LA SOMNOLENCE DE CONDUCTEURS
La deuxième étude analyse l'effet de la boisson énergisante sur la somnolence des conducteurs soumis à un test de conduite. L'étude montre que les conducteurs ayant bu du Red Bull, provoquent moins d'accidents durant les 90 premières minutes (significatif p<0.05). La vitesse de réaction est aussi significativement accrue par le fait de boire du Red Bull (p<0.05). Mais cette étude n'a été menée que sur 12 personnes, il est inadéquat de l'extrapoler sur l'ensemble de la population.
ÉTUDES 3 ET 4 : MESURE DE L'EFFET DE RED BULL ET DE LA CAFÉÏNE
Deux études menées par Baum & Weis et Barthel et al. sur respectivement 13 et 15 athlètes entraînés, ont testé les différents effets de la boisson énergisante et de la caféine, sur un groupe test avant, pendant et après un effort. Il fut constaté que la caféine et les boissons énergisantes augmentaient significativement (p<0.05) la vitesse du flux sanguin lors de la diastole. Les boissons énergisantes ont aussi un effet significatif (p<0.05) sur la diminution du diamètre ventriculaire gauche et du diamètre systolique. Le volume de sang déplacé par battement cardiaque varie aussi significativement (p<0.05).
Avec l'aide d'un EEG (Electro-encéphalogramme), le potentiel de réaction des sportifs a été mesuré pendant leur effort. Les valeurs des mesures EEG diffèrent entre le groupe qui a reçu de la caféine et celui qui a bu des boissons énergisantes. Les auteurs estiment qu'ils peuvent conclure sur base de ces mesures EEG, que "les boissons énergisantes améliorent l'endurance mentale". Ce concept d'endurance mentale est obscur, surtout lorsqu'il s'appuie sur des réactions purement physiques.
ÉTUDE 5 : MESURES DE L'EFFET DU RED BULL
Une dernière étude de Alford et al. a analysé les effets du Red Bull sur 36 personnes dont on a mesuré notamment le pouls, les capacités de concentration, etc. Elle conclut que Red Bull a un effet significatif (p<0.05) sur l'augmentation de la pulsation cardiaque, sur l'endurance aérobie (14 personnes) et sur la diminution de temps de réaction (10 personnes).Un test témoin a été effectué (Alford et al.) sur 12 personnes qui devaient apprendre par coeur en une minute, 22 nombres à deux chiffres. Lors d'un test de reconnaissance, il leur était demandé de rayer un de ces nombres, dans une série aléatoire. Dans les deux tests, les personnes qui avaient bu du Red Bull ont obtenu de meilleurs scores (p<0.05) que ceux qui avaient reçu à boire une boisson énergisante placebo. Mais une nouvelle fois, le nombre de personnes observées est très limité. De plus il s'agit ici d'exercices de mémorisation d’éléments non reliés et peu significatif (des nombres ne renvoient qu’à une quantité). On ne peut les comparer à l'étude d'une matière à connaître pour un examen. Dans ce cas, la matière doit être comprise et intégrée aux connaissances antérieures en mémoire à long terme de manière à pouvoir la restituer ultérieurement de façon cohérente, ce qui n’a pas grand chose en commun avec la mémorisation à très court terme d’une liste de chiffres, aptitude peu utile lors des études et dans la vie quotidienne …
Des effets stimulants liés au mélange ?
Red Bull attribue ses effets stimulants au mélange de différents ingrédients. Cela ne semble pas être le cas. Une publicationscientifique de 2003 (Kim, 2003, cfr référence bibliographique ci-dessous) attribue les effets stimulants du Red Bull à un ingrédient seulement, la caféine. L'effet de la caféine est connu de longue date, ce produit est d'ailleurs sur la liste internationale des produits de dopage. Il a un effet stimulant qui pourrait expliquer les effets du Red Bull. Les autres ingrédients n'exercent pas d'effet stimulant sur le corps humain. L'auteur voit même une explication à la raison pour laquelle le Red Bull agirait plus vite que le café. Le Red Bull est bu froid, dès lors le corps peut intégrer immédiatement la caféine. Ce qui n'est pas le cas avec le café.
Des références scientifiques très limitées et trop partielles pour justifier des allégations de santé
Ces études ont chaque fois été menées sur un groupe très limité de personnes test, et même dans certains cas, celles-ci représentaient une catégorie particulière de la population (des sportifs accomplis). Les conclusions des études sont souvent hâtives et basées sur des références scientifiques douteuses, surtout lorsqu'il est question d'état de bien-être meilleur chez les consommateurs de boissons énergisantes. C'est pourquoi le CRIOC doutait du bien fondé des études scientifiques utilisées pour justifier l'argumentaire publicitaire.une tasse de café est moins cher que de s'en laisser conter sur les ailes de Red Bull.
Transiger plutôt qu'un mauvais procès
A la lecture de ces résultats, on comprend mieux les raisons qui pourraient avoir conduit Red Bull à débourser 13 millions de dollars sous forme d'une indemnisation de 10 dollars (7,90 euros) ou un bon d’achat pour des produits de la marque de 15 dollars, pour chaque client ayant acheté une de ces boissons entre 2002 (apparition du slogan) et le 3 octobre 2014. Lorsque la justice américaine aura validé l'accord, chaque consommateur recevra une (très faible) indemnité de 3 dollars.
Dommage collatéral : les annonceurs et les agences de publicité devront y regarder à plusieurs fois avant de faire des promesses inconsidérées et assaisonner leur recette d'un nouvel ingrédient : l'éthique.
Bibliographie
- AFSSA, 2006. Avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à l'évaluation de l'adjonction de substances autres qu'additifs technologiques dans une boisson présentée comme "énergisante" contenant de la taurine, de la D-glucuronolactone, de l'inositol et des vitamines B2, B3, B6 et B12, saisine n°2005-SA-0111
- Alford, C. et al. 2000 The effects of Red Bull energy drink on human performance and mood. Amino Acids, 21:139-150
- Barthel, T., Mechau, D., Wehr, T., Schnittker, R., Liesen, H., Weis, M. 2000. Readiness potential in different states of physical activation and after ingestion of taurine and/or caffeine containing drinks. Amino Acids 20: 63-73.
- Baum, M. & Weis, B. 2000 The influence of a taurine containing drink on cardiac parameters before and after exercise measured by echocardiography. Amino Acids, 20: 75-82.
- Horna, A. & Reyner, L. 2000. Beneficial effects of an energy drink given to sleepy drivers. Amino Acids, 20: 83-89
- Kim, W., 2003. Debunking the effects of taurine in Red Bull enrgye drink. Nutrition Bytes, Volume 9, Issue 1.
- Seidl, R., Peyrl, A., Nicham, R., Hauser, E. 2000. A taurine and caffeine-containing drink stimulates cognitive performance and wellbeing. Amino Acids 19: 635-642.
- De Duve M., Groessens I., Boissons énergisantes ou "Energy Drinks", Quelques réflexions de l'Equipe Santé du service d'aide de l'UCL et de l'ASBL Univers santé, 2006, http://www.univers-sante.ucl.ac.be/agir/alcoolannexe_reaction_juin_06.pdf
- Vandercammen M., Renaerts B., REd Bull : recalé, 2006; http://www.oivo-crioc.org/files/fr/1630fr.pdf
- Lorent Pascal, Red Bull donne ses ailes aux consommateurs américains, 11 octobre 2014.