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Opération Shrinkflation

Quand la réduflation tourne au greenwashing

12/09/2023
Comment masquer une hausse de prix en réduisant les quantités vendues ? Une pratique opaque des marques

La réduflation (Shrinkflation anglicisme, contraction des mots "inflation” et "to shrink” (rétrécir, en anglais)), consiste à masquer la hausse des prix en réduisant les quantités vendues tout en conservant le même prix ou de modifier la recette du produit en diminuant les coûts de production. Des pratiques en vigueur de longue date, notamment en période d'inflation, chez les industriels et les distributeurs.

De nombreux produits concernés

Le "package downsizing" maintient un prix équivalent malgré l’augmentation de leurs coûts de production chez de nombreuses marques.L'association Foodwatch cite, notamment, plusieurs exemples de produits qui ont subi une réduction de taille incognito depuis 2019 : le fromage à tartiner Kiri (Diminution de 20 à 18 gr sans modification de l’emballage extérieur soit une diminution de 10% de fromage fondu. Le prix de vente n’a pas changé mais au kilo, augmentation de 11%), la margarine Bio de St Hubert, l’eau gazeuse Salvetat, le sucre blanc de Saint Louis, les chocolats Pyrénéens de Lindt, le sirop de grenadine de Teisseire (de 75 à 60 cl, soit 20% de sirop en moins et le prix augmente de 37% au litre),  la boisson Cranberry Ocean Spray (diminution de la taille des bouteilles de 1,25 litre, soit moins 20% de jus, mais plus 33%, le prix au litre), l'eau Vichy Célestin (diminution des bouteilles de Vichy Célestin de 1,25 litre à 1,15 litre soit 8% d'eau en moins, mais une augmentation du prix au litre de 28 euros).

Les marques quant à elles, soit justifient le choix  (meilleur équilibre entre format, prix et valeur ajoutée pour le consommateur, hausse du coût des matières premières; meilleure conservation), soit refusent l'interview (!).

Le journal Libération s'est procuré un document interne au géant alimentaire UNILEVER qui propose à la grande distribution (Auchan, Casino, Carrefour, ou encore Intermarché) de nouveaux formats pour ses pommes de terre, ses glaces ou encore ses sels pour lave-vaisselle. A chaque fois, la quantité baisse et le prix grimpe ...

  • Findus : Pour les pommes de terre rissolées, la boîte passe de 600 grammes à 590 grammes alors que le prix grimpe de 68 %.
  • Carte d'Or : la glace Carte d’or à la vanille de Madagascar fond de 472 grammes à 367 grammes avec un tarif en hausse de 28,61 % et le poids diminue de 22 %. Pour la glace Carte d'Or rhum raisin des Antilles françaises, le poids passe de 506 grammes à 352 grammes et le prix s’envole de 43,75 %.

Des distributeurs pris au piège

Face à ces augmentations, les supermarchés disposent d'une marge de manœuvre limitée. D'un part, car le fabricant arrête la production des anciens formats et les remplace par des nouveaux (plus légers et donc plus chers). D'autre part, car, comme le souligne le document d'UNILEVER que Libération s'est procuré, un rejet de ces nouveaux packagings et des prix qui les accompagnent entraînerait un refus de livraison par Unilever au récalcitrant.
 
D'où l'idée qui a germé dans l'esprit de certains distributeurs comme CARREFOUR et INTERMARCHE de communiquer sur cette pratique en identifiant les produits concernés et l'ampleur de la hausse : "Ce produit a vu son contenant baisser et son prix augmenter”. Que ce soit pour le café, les chips, la mayonnaise ou les boissons.
 
Excellente initiative ? peut-être. Sous condition que l'enseigne concernée n'utilise pas la même pratique comme l'a constaté l'Institut National de la Consommation lors de l'interview de Lionel Maugain sur France Inter "Pour tenir sa promesse, de premier prix en légumes à 0,99 euro, Carrefour est passé d’un paquet de trois à deux salades sucrines. Idem pour les sacs de pommes de terre, réduits d’1,5 kilo à 1 kilo"
 

Le consommateur doit-il entrer en résistance ?

Si la pratique est égale, à condition d’indiquer le poids du produit de manière claire sur l’emballage, l'on peut s'interroger sur l'éthique d'une telle pratique ou au minimum, le manque de transparence. Seule solution pour le consommateur,
  • Vérifier le poids (quantité nette). La taille et la forme de l'emballage peuvent changer mais l'indication du poids est obligatoire. Si une différence apparaît par rapport au poids habituel, méfiance, il y a de la réduflation dans l'air.
  • Comparer le prix au kilo (ou à l'unité de mesure). Que ce soit par rapport aux anciens achats ou aux concurrents.
  • Lire les étiquettes, les emballages et vérifier la composition des produits pour choisir en connaissance de cause. Attention à la présence de certains ingrédients (moins coûteux ou de moindre qualité), ou d'additifs qui camouflent une piètre qualité. Ainsi certains fromages frais ajoutaient de la gélatine pour vendre l'eau au prix du fromage, d'autres remplacent l'huile d'olive par une huile bon marché.Un changement d'emballage (taille, forme, couleur, logo) peuyt dissimuler une action de réduflation.
  • Identifier marques et produits concernés. Carrefour a ainsi publié une liste de 26 produits concernés identifiés par Libération : deux paquets de chips Lay’s, neuf glaces (Oréo, Milka, La Laitière, Viennetta, Côte d’or, Daim), trois boîtes de chocolats Lindt, un pot de mayonnaise Amora, quatre boîtes de capsules de café, une boîte de poisson surgelé Findus, trois différents Ice Tea Lipton, deux aérosols Pliz, et une boîte de lait en poudre Guigoz. Les hausses de prix au kilo les plus fortes constatées par Carrefour sont chez Lipton avec une bouteille d’Ice Tea passée de 1,5 l à 1,25 l, couplé à une augmentation du prix au litre de plus de 40%. La première place du podium revient aux barres glacées Daim goût caramel avec une augmentation de prix de 43,53% au kilo. Les fournisseurs concernés sont PepsiCo, Nestlé, Unilever, Froneri, Lindt et SC Johnson. Et le journal d'ajouter : Sur France 5, le PDG du groupe Carrefour avait annoncé l’opération d’affichage en nommant plusieurs produits : Nos amis de Pepsi Cola, [qui] ont des chips qui s’appellent Lay’s, ils les ont baissées de 15 grammes, ils ont augmenté de 30 % le chiffre. Nos amis d’Unilever, avec les très jolies glaces qu’on aime beaucoup, les Magnum, les Carte d’or, ça a baissé de 200 millilitres et ça augmente de 20 %. C’est ça la shrinkflation.
Et si les pouvoirs publics prenaient l'initiative, comme au Brésil, - notamment-, d'inciter les marques à la transparence en obligeant celles-ci à indiquer sur les emballages le poids de l'emballage antérieur, les modifications de composition apparues dans la formule du produit ? Une belle initiative pour un parlement au service des consommateurs.
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